De fil en filles — Un texte de Marie Miriel

Dans un vieux grenier, une robe sur un mannequin usé sommeille. La clé tourne dans la serrure, la porte s’ouvre difficilement, laisse entrer des cris et des rires d’enfants. Deux petites filles suivent leur grand-mère à la recherche d’une vieille malle. La plus jeune des fillettes se précipite vers les poupées anciennes, l’aînée s’arrête, détaille le vêtement au blanc passé, se hisse sur la pointe des pieds, caresse du bout des doigts le col et ce qu’elle prend pour un liseré. La grand-mère tout à son affaire, se retourne, sourit et soulève l’enfant, « regarde, que lis-tu ? » La fillette effleure la fine bande de soie bordant le col au fil de sa lecture. C’est une phrase sans verbe et sans pronom, des mots liés par deux points de croix à chaque fois.

L’enfant devine enfin des prénoms, reconnait celui de sa grand-mère à la fin, une histoire de fils et de filles, que l’on hérite de génération en génération, un tissu que l’on ne porte plus depuis longtemps, qu’on relègue au rang de souvenir au fin fond d’un grenier.

Un jour, murmure la grand-mère, elle sera à toi.

Marie MIRIEL

Textes et textiles — un texte de Marie Miriel

Les mots s’alignent en une lente poésie, prennent leur envol, libres tel le fil qui se détache du t-shirt un soir d’été. On le repère, le répare en un nœud qui, on l’espère, tiendra.

Mais la couture et le coton se chamaillent, le fil se balade dans la brise tandis que les vers s’éternisent et vont au-delà de ce qui est écrit.

Le coton se cantonne à épouser le corps, sent le fil se délier, s’échapper, entrainer à la suite les autres points qui disparaissent dans les virgules d’un sonnet. Le vêtement s’effiloche, redevient pelote quand, dans une dernière rime, un retour sur soi se devine.

M.M.